Témoignage :

Evelyne Troxler, bénévole

délégation Alsace Lorraine

Bonjour chers co-souffrants et leurs soignants,

J’ai fêté en Juin 2021 mon 45ème printemps en compagnie de mon lymphœdème primaire de la jambe droite, qui ne s’est heureusement déclaré qu’après mon 26è anniversaire, suite à une piqûre d’insecte (araignée peut-être) suivie de ce qui n’a pas été reconnu comme un érysipèle et d’un été déjà caniculaire. Avec l’insouciance de la jeunesse, j’ai tout de même trimballé ma jambe enflée aux USA pour quelques semaines, le bonheur de vivre et d’étudier là-bas l’ayant emporté sur le fait d’avoir cette jambe enflée….

Le ciel m’est tombé sur la tête à mon retour.

Mais mon lymphœdème ne m’a jamais empêché de vivre et je voudrais témoigner de ce qu’on peut très bien vivre avec, même si cela nous empêche de vivre très bien : les contraintes et leur discipline, les contentions, les cures, les drainages, les déceptions de résultats aussi sont … pour le moment … Notre lot quotidien … mais si on les accepte, on peut très bien vivre avec.

Je voudrais que mon témoignage serve à ce que plus jamais aucun souffrant atteint de lymphœdème ne soit, comme je l’ai été :

  • Dans l’ignorance de la maladie et de ses traitements pour la stabiliser et vivre avec.
  • Dans la désespérance, devant toute une vie ou un reste de vie avec ce compagnon encombrant , qui fait souffrir physiquement et moralement et qu’on ne peut pas guérir … pour le moment ….

Il a fallu 2 ans d’errance de médecin en médecin, de vagues bandages, jusqu’à ce que ma belle-mère m’obtienne un RV chez un professeur de Strasbourg que je ne citerai pas ; il a nommé mon mal en quelques minutes :
« lymphœdème,
la jambe va grossir de plus en plus,
éléphantiasis,
il n’y a rien à faire sauf des bandages peut-être ,
vie foutue,
pas d’enfants au programme bien sûr ,
au revoir jeune dame »

Dépression assurée…. Destruction du schéma corporel, d’autant plus que ma belle-mère, pour faire part à ses amies de son malheur, à soulever ma jupe pour leur faire voir ma grosse jambe bandée …. J’ai décidé de passer le reste de ma vie en pantalon …. à tort peut-être : si nous tenons notre maladie cachée, jamais elle ne fera l’objet de recherches, de prise en charge de soins , de respect en somme !!!

J’ai rencontré le professeur en question 30 ans après dans le cadre de mes fonctions de maire-adjoint à Mulhouse et je lui ai montré que ma vie n’avait pas été « foutue » comme il me l’avait annoncé avec tant de délicatesse, j’avais même eu 2 garçons en 1981 et 82 ….

Que s’est-il passé ?

La chance, qui m’a permis d’être traitée par le Professeur Cormier à l’hôpital ST Joseph à Paris, grâce à un médecin de cure de ma mère. Des mois d’une technique barbare appelée tuyautage et de bandages repris à Mulhouse par le Dr Jean Stoessel, qui ont transformé mon poteau en jambe regardable … Avec des bas de contention WIC fabriqués à Paris. Puis vint la découverte de Luxeuil, grâce au cardiologue de mon père : un miracle : diminution de la jambe par l’eau, découverte des drainages lymphatiques manuels chez un kiné, et surtout être si jeune, entourée de tant de femmes aux grosses jambes, portant bas et bandages, si bienveillantes, si consolantes, si porteuses de résignation, de courage et d’espoir…. Même pas peur devant une grossesse, puis une 2ème l’année d’après : il suffisait de retourner à Luxeuil.

Bien sûr mes activités tant professionnelles que politiques sollicitant la station debout ont fini par aggraver la situation. Grâce au Dr Jean Stoessel, à nouveau j’ai eu le bonheur d’être soignée à la clinique Földi en Allemagne, un vrai paradis pour les grosses papattes. Mme le docteur Földi a renforcé encore mes contentions et m’a convaincue de changer de vie, de travailler moins et de faire des drainages manuels 2X/semaine. C’est en cherchant un kiné que j’ai fait la connaissance de Karine Puertolas et l’équipe du Moenschberg …et que tout à démarré, avec Virginie chez Wiessler et Virginie Sepult en tant que kiné de ville …. Suivre un traitement performant à Mulhouse, c’est tout de même plus pratique et moins onéreux pour tous …. En ces temps d’économie

Mes enfants et petits-enfants m’ont toujours connu avec ma grosse jambe et mes contentions … Maman et Mamama c’est comme çà et ce n’est pas grave …à la plage elle met un peu de temps mais … Cela ne l’empêche pas de faire ….

Pour pouvoir faire, il nous faut faire connaitre et reconnaitre notre maladie, puis un centre de lymphologie performant à proximité, offrant diagnostic et traitement, réunissant angiologie et rééducation, en collaboration avec l’Association Vivre Mieux Le Lymphœdème AVML, l’orthopédiste de qualité que nous avons et des kinés de ville, sans oublier un meilleur remboursement de notre matériel de contention (l’indispensable mobiderm de nuit par ex) et de traitement …. Nous les souffrants, nous en avons besoin.

Par Evelyne TROXLER (Juin 2021)