Témoignage :
Brigitte raconte sa longue errance diagnostique et son combat quotidien

Brigitte raconte sa longue errance diagnostique et son combat quotidien pour avoir un traitement adapté avec un reste à charge difficile à supporter au long cours :

J’ai 51 ans et j’habite dans le Sud-ouest.
Je suis femme de ménage chez un particulier. Depuis mars 2021, les médecins m’ont diagnostiqué un lymphœdème des deux membres inférieurs prédominant à droite.

Depuis l’âge de 18 ans, j’ai un pied et une cheville droites plus gros par rapport à l’autre côté. Lors de ma première grossesse, malgré le port de bas de compression, mes jambes ont gonflé. Depuis ma deuxième grossesse, elles sont restées gonflées.
Plus tard, lorsque j’accompagnais mes enfants à des tournois de football, mes jambes gonflaient encore plus et la fin de journée devenait compliquée car il me fallait parfois quitter mes chaussures.

Durant des années, je me suis habituée à avoir les jambes lourdes mais après le travail, les fins de journées devenaient de plus en plus difficiles avec des douleurs dans celles-ci.

A plusieurs reprises, j’ai demandé comment améliorer cette situation à mon médecin traitant ainsi que la prescription de bas de compression et de séances de pressothérapie qui ont permis à mes jambes de dégonfler légèrement.
A ce moment-là, mon médecin traitant n’a posé aucun diagnostic ni ne m’a dirigé vers un centre spécialisé car pour lui, il n’y avait rien à faire, c’était héréditaire.
Il me disait que je devais marcher et boire plus d’eau.

J’ai continué à travailler, sans aucun arrêt, de travail en subissant en silence cette situation puisqu’il n’y avait rien à faire !

En 2018, j’ai eu un érysipèle à la jambe droite pris en charge par un médecin généraliste. J’ai conservé à cet endroit un durcissement de la peau qui est restée très douloureuse et « pas jolie ».

En 2019, j’ai consulté un angiologue qui m’a sclérosé quelques varices.
En allant chez un chiropracteur, j’ai entendu parler pour la première fois de drainage lymphatique selon Vodder et il m’a vivement conseillé de faire faire ces drainages. J’ai trouvé un praticien formé à cette méthode. Dès la troisième séance, les douleurs ont diminué.
Ainsi, j’ai fait, à mes frais, 7 séances au rythme d’une fois par semaine. J’ai enfin ressenti une évolution bénéfique.

Depuis 2019, je porte des bas de compression classe 2 de façon quotidienne.
Malgré cela, en février 2020, j’ai dû consulter de nouveau un angiologue car les douleurs sont revenues. Ce médecin ne m’a jamais parlé de lymphœdème et est resté sur une pathologie veineuse.
Ma fille qui a également des œdèmes aux chevilles, a consulté cet angiologue qui ne lui a pas non plus donné d’explications sur ses œdèmes.

J’ai tout de même trouvé la force de continuer à me battre pour améliorer mon quotidien et ne pas laisser la lymphe stagner dans mes jambes. Pour cela, j’ai pris l’initiative de porter en continu mes bas. Lorsque j’en ai parlé à mon angiologue, je n’ai eu aucune réaction de sa part. C’est très frustrant de ne pas avoir de diagnostic posé et de conduites à tenir spécifiques de la part du corps médical.

En mars 2021, ne lâchant rien, j’ai été dirigée par un nouveau médecin traitant vers un nouvel angiologue. Le diagnostic a enfin été posé, lymphœdème avec Signe de Stemmer.
Je porte quotidiennement des bas en tricotage rectiligne malgré mes difficultés pour les enfiler qui occasionnent des douleurs dans mes mains et au niveau du dos.

Je trouve inacceptable de prendre ce sujet à la légère car il pèse sur ma vie de tous les jours.
La sensation d’avoir toujours à faire les choses avec difficulté est également très dure à vivre et impacte mon travail. Heureusement, j’ai découvert une écoute auprès des associations de patients telle que la vôtre pour être entendue et soutenue…
J’en ai besoin car mon courage et ma persévérance ont des limites comme chez tout être humain.

Je devrais porter un vêtement de nuit Mobiderm mais le coût est très élevé, pas pris en charge par la Sécurité Sociale ni par ma mutuelle.
Je constate qu’en plus de l’errance médicale, s’ajoute le manque de prise en charge de beaucoup de soins pour nous soulager.
Cette maladie chronique que nous devons affronter, a une incidence sur notre moral. En plus des périodes de découragements s’ajoute la frustration face à la renonciation de soins qui seraient bénéfiques pour le lymphœdème à cause du coût.

J’espère qu’une prise de conscience va se faire auprès des médecins, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, et des pouvoirs publics afin de mieux comprendre les attentes et les souffrances des patients.

Pour diminuer la méconnaissance de la pathologie, je souhaite que les médecins envoient leurs patients auprès de spécialistes ou de centres experts avec possibilité de téléconsultations afin d’avoir un diagnostic rapide.

Le remboursement des orthèses à 100%, sans reste à charge, est un des éléments essentiels de la prise en charge des lymphœdèmes.
Un meilleur remboursement des cures serait souhaitable.
Les séances de kinésithérapie doivent être faites par des professionnels formés au drainage lymphatique et aux bandages. Elles devraient être mieux cotées pour permettre aux kinés de prendre le temps nécessaire pour exercer avec efficacité.
Ces soins doivent être accessibles pas seulement dans les grandes villes mais partout sur le territoire car nous avons tous droit à avoir une solution de proximité.

La notion de prévention est très importante et doit se faire dans le cadre de l’éducation thérapeutique, autre élément essentiel dans une maladie chronique.

Je m’adresse aux pouvoirs publics, vous qui avez su nous protéger contre la COVID 19 en prenant des dispositions, j’espère que vous en prendrez également pour nous, patients atteints de lymphœdème, car nous avons été non diagnostiqués et non pris en charge en temps utile….

Je vous souhaite une bonne lecture, en espérant que mes écrits retiennent votre attention.
Pour moi, c’est une libération de pouvoir écrire tout ce que j’ai sur le cœur car il y a trop de silence autour du lymphœdème et de non information du corps médical et paramédical.
Si nous nous taisons, vous ne pourrez pas réaliser et comprendre notre vie avec un lymphœdème. J’ai pris conscience tardivement que l’on pouvait être acteur de sa santé et aujourd’hui, je peux le faire concrètement par ce témoignage.

Merci de m’avoir donné la parole en tant que patient pour raconter mon vécu.

Brigitte (Mars 2022)