Activité physique et sportive chez les sujets ayant un lymphœdème : enquête nationale française.

Merci à toute l’équipe de l’Association Vivre Mieux le Lymphœdème pour nous avoir aidé dans ce travail, ainsi qu’aux nombreux patients ayant accepté de répondre à nos questionnaires sur l’activité physique et sportive chez les sujets ayant un lymphœdème. Voici le résumé et les conclusions de notre travail.
Dr Victoire Meurisse

Article publié :

Sport activities and exercise in individuals with lymphedema: a French national survey of practices and fears.

Authors: Victoire MEURISSE1*, MD; Valérie TAUVERON1*, MD; Elsa TAVERNIER2,3,PhD; Stéphane VIGNES4, MD; Stéphania GEREMIA5, Sophie LEDUCQ1,2, MD; Loïc
VAILLANT1,6, MD; Annabel MARUANI1,2, MD, PhD
*Equally contributed

1Department of Dermatology and Reference Center for Rare Diseases and Vascular Malformations (MAGEC), CHRU Tours, 37044 Tours Cedex 9, France
2Universities of Tours and Nantes, INSERM 1246 – SPHERE, 37000 Tours, France
3CHRU Tours, Clinical Investigation Center- INSERM 1415, 37044 Tours Cedex 9, France
4Unité de Lymphologie, site constitutif du Centre national de référence des maladies vasculaires rares (lymphoedèmes primaires), hôpital Cognacq-Jay, 75015 Paris, France
5CHRU Tours, Department of Physical Medicine and Rehabilitation Department, 37044 Tours, France
6University of Tours, INSERM U1253, 37000 Tours, France

European Journal of Dermatology, 2020, Volume 30, Numero 1

Résumé du travail :

Introduction : Le lymphœdème (LO) est une pathologie chronique pouvant être invalidante sur les plans physique et psychique. La pratique sportive, chez les patients ayant un LO, a longtemps été déconseillée par les professionnels de santé. Ses bénéfices sur le LO et sur la qualité de vie des sujets ont récemment été démontrés.

Objectifs
: Étudier les pratiques et le ressenti des patients ayant un LO concernant l’activité physique et sportive.

Méthodes : Nous avons réalisé une enquête nationale, en envoyant un questionnaire comportant 30 items aux patients ayant un LO en France, dans deux centres de prise en charge du LO et via l’association française des patients ayant un LO. Les questionnaires étaient anonymes.

Résultats : Parmi les 364 répondeurs, la plupart étaient des femmes (89,5%), ayant un LO des membres inférieurs (n=238/362, 65.7%). L’âge moyen était de 51.8 ans avec un écart-type de 16.2. La proportion de LO primaires et secondaires était équilibrée. La majorité des patients déclaraient avoir une pratique sportive régulière (n=266/364, 73,1%). La marche et les sports aquatiques étaient les sports les plus rapportés. La moitié des patients déclaraient ressentir une gêne significative due au LO dans leur activités quotidiennes, surtout dans leurs loisirs, la réalisation des tâches ménagères, leur travail et leur vie sexuelle. D’après les patients, les professionnels de santé donnaient majoritairement des informations concordantes sur l’activité sportive, et la recommandaient dans 66,4% des répondeurs (n=168/253). Cependant, 31,5% (n=105/333) des patients redoutaient que le sport aggrave leur LO, et 56,8% (n=204/359) rapportaient des comorbidités limitant leur activité sportive.

Conclusion : Cette étude montre que les patients ayant un LO sont majoritairement bien informés et ont une activité physique et sportive, malgré leur handicap qu’ils considèrent important. Il existe toutefois un biais de recrutement des patients, peut-être mieux informés que la moyenne, qui induit une surestimation de cette attitude positive envers les pratiques sportives.

Conclusion générale :

Cette étude est la première enquête sur l’activité physique et sportive auprès des sujets ayant un lymphoedème (LO).

Elle montre que ces patients, en France, semblent majoritairement bien informés sur le bénéfice de l’activité sportive et physique sur le LO, et que l’information reçue par les professionnels de santé leur parait globalement concordante.

Une majorité (n=266/364, 73,1%) déclarent réaliser une activité sportive régulière (marche et sports aquatiques surtout). Paradoxalement, les répondeurs à l’enquête indiquent une gêne souvent importante et une limitation des activités de la vie quotidienne. Le LO semble être responsable d’une altération de la vie sexuelle, qui est peu verbalisée et semble équivalente chez les personnes atteintes de LO primaires et secondaires. Enfin, il persiste un nombre important de patients qui redoutent que le sport aggrave le LO.
Ces résultats sont peut-être surestimés en raison d’un possible biais de recrutement de patients bien informés.

Cette enquête ouvre de possibles perspectives d’amélioration de la prise en charge des patients atteints de LO.

Tout d’abord, il est important de veiller à ce que le discours des professionnels de santé soit cohérent et rassurant sur les effets de la pratique sportive chez les patients ayant un LO. La création de fiches d’information pour les patients pourrait être une solution afin d’apporter une information claire et durable sur les recommandations en termes d’activité physique et sportive.

L’intégration des caractéristiques du patient (comorbidités, âge) est également indispensable afin de conseiller une activité sportive adaptée.

La création de cours de sports collectifs pour les personnes atteintes de LO au sein des structures de soins (hôpital centres de rééducation) pourrait être un moyen d’aider ces patients à s’investir dans une dynamique de pratique sportive encadrée.
Les professionnels de santé pourraient envisager un dépistage des répercussions du LO sur la vie quotidienne afin de mettre en évidence les difficultés rencontrées. Des ateliers avec patients, kinésithérapeutes et ergothérapeutes pourraient permettre de trouver des solutions pour optimiser l’adaptation au handicap de ces patients. Ceux-ci existent déjà dans le cadre de programmes d’éducation thérapeutique, mais mériteraient d’être plus répandus.

Enfin, la sexualité, chez les patients ayant un LO, reste un sujet pas assez abordé par les professionnels de santé. L’évocation systématique de ce sujet avec les patients, la proposition d’un suivi psychologique ou de participation à des groupes de paroles sur ce thème pourraient les aider à verbaliser leurs éventuels problèmes, et à renforcer leur confiance en eux.